Afin d’améliorer le statut et l'attractivité de la profession enseignante à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l'éducation en Europe, le CSEE et ses 127 organisations membres issues de 51 pays et représentant plus de 11 millions d'enseignants ont formulé 10 demandes clés pour inciter les décideurs politiques à s'assurer que les systèmes d’enseignements publics disposent de suffisamment de personnel pour offrir une éducation publique de qualité pour tou·te·s.
1. PROMOUVOIR L'AUTONOMIE PROFESSIONNELLE !
L'atout le plus précieux de tout système éducatif réside dans ses enseignant·e·s, qui jouent un rôle essentiel dans le façonnement de l'avenir des étudiant·e·s. Il est essentiel que les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation jouissent de l'autonomie professionnelle et de la liberté académique de prendre des décisions dans le meilleur intérêt de leurs étudiant·e·s, en tenant compte des circonstances et des besoins individuels de chacun·e, en veillant à ce que chaque étudiant·e reçoive une éducation de qualité et inclusive. L'autonomie professionnelle donne aux enseignant·e·s, aux formateur·trice·s, aux universitaires et aux autres personnels de l'éducation le contrôle sur leur travail, est motivante, conduit à une plus grande satisfaction au travail et à un niveau plus élevé d'engagement professionnel.
Un modèle de financement public durable et efficace est essentiel pour sauvegarder le principe de responsabilité publique et résister à la privatisation et à la commercialisation du secteur de l'éducation.
2. OFFRIR DES SALAIRES COMPÉTITIFS DÉCENTS !
Nous exigeons que les gouvernements garantissent des salaires décents aux enseignant·e·s, aux formateur·trice·s, aux universitaires et aux autres personnels de l'éducation. Les salaires doivent être au moins égaux au niveau de salaire des autres professionnel·le·s qui ont des qualifications de niveau tertiaire. Nous pensons que le principe du salaire égal pour un travail égal et un travail de valeur égale devrait s'appliquer.
En outre, nous exhortons les gouvernements à tenir compte de l'augmentation du coût de la vie en Europe lors de la détermination des salaires des enseignant·e·s, des formateur·trice·s, des universitaires et des autres personnels de l'éducation. Des niveaux de salaire de départ attractifs doivent être assurés à tou·te·s les professionnel·le·s de l'éducation afin d'accroître le recrutement et la rétention des jeunes enseignant·e·s. Des améliorations des salaires devraient également être apportées dans le contexte de la réduction de l'écart de rémunération entre les genres au sein du secteur de l'éducation et entre le personnel éducatif des différents secteurs de l'éducation et entre les enseignant·e·s et les chef·fe·s d'établissement. Il est important de noter que même si les salaires initiaux des professionnel·le·s de l'éducation devraient être augmentés, des voies vers des promotions progressives et des échelles salariales sont toujours nécessaires pour faciliter leur rétention.
3. SOUTENIR UN DÉBUT DE CARRIÈRE EFFICACE POUR ASSURER LA RÉTENTION !
Un environnement de soutien et de collaboration est essentiel pour aider les enseignant·e·s débutant·e·s à se sentir en confiance lors de leur premier emploi. Les établissements d'enseignement devraient fournir aux enseignant·e·s novices, aux formateur·trice·s, aux universitaires et aux autres personnels de l'éducation un·e mentor ou un·e coach qui peut les guider et les soutenir tout au long des premières années de leur carrière. Allouer suffisamment de temps à la formation et permettre des essais et des erreurs dans la préparation et la mise en oeuvre des leçons est particulièrement important pour un cheminement de carrière réussi.
En effet, la création d'une culture scolaire positive et solidaire qui valorise et reconnaît les contributions des enseignant·e·s et des autres personnels de l'éducation contribuera à les retenir dans la profession.
Les conditions de travail dans le secteur de l'éducation doivent être améliorées, la charge administrative et la bureaucratie doivent être réduites pour renforcer l'attractivité de la profession enseignante. Cela inclut le respect des droits des salarié·e·s tels que la sécurité de l'emploi, des salaires décents et des conditions de travail attractives, y compris une bonne couverture santé et vacances, des régimes de retraite équitables et des avantages sociaux.
Dans l'ensemble, les gouvernements doivent veiller à ce que l’ensemble des enseignant·e·s, formateur·trice·s, universitaires et autres personnels de l'éducation aient accès à des parcours de carrière attractifs et à des opportunités de développement professionnel, en prenant soin de prévoir des congés de maternité, de paternité, parentaux et de soins.
4. ASSURER UN DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL DE QUALITÉ !
Une formation et un développement professionnel continu (DPC) de qualité sont essentiels pour faire de l'enseignement un métier attractif. Ils devraient être gratuits et proposés pendant les heures de travail. Le personnel de l'éducation doit être doté des compétences et des connaissances nécessaires pour enseigner et interagir efficacement avec les étudiant·e·s dans divers environnements d'apprentissage, et pour cela, il doit être formé au niveau de la maîtrise. En investissant dans une formation de qualité et le développement professionnel continu, les enseignant·e·s peuvent améliorer leurs compétences pédagogiques, développer des pratiques pédagogiques innovantes et améliorer leurs connaissances disciplinaires. Cela profite non seulement aux enseignant·e·s mais aussi aux étudiant·e·s, car il·elle·s reçoivent une éducation de meilleure qualité, ce qui entraîne une amélioration des performances scolaires et de la réussite globale.
Le développement professionnel continu aide également les professionnel·le·s de l'enseignement à suivre le rythme de l'évolution constante du paysage de l'éducation, y compris les nouvelles technologies, les changements de programmes et les méthodologies d'enseignement émergentes. Cela garantit que les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres professionnel·le·s de l'éducation sont toujours à jour et capables de fournir une éducation de haute qualité à leurs étudiant·e·s. De plus, une formation de qualité et des opportunités de développement professionnel continu leur procurent un sentiment de croissance et d'épanouissement professionnels, conduisant à une satisfaction professionnelle accrue et à un sentiment de fierté dans leur profession.
5. INTÉGRER L'ÉGALITÉ ET LA DIVERSITÉ !
L'égalité des chances, la diversité et l'inclusion sont les caractéristiques d'un système éducatif progressiste. Pour y parvenir, il faut mettre en place une politique de recrutement qui cherche à attirer vers l'enseignement tout l'éventail de la société en termes de diversité, y compris le sexe, l'orientation sexuelle, les capacités et les besoins éducatifs spéciaux, le statut économique, l'origine ethnique, la langue, la religion et le statut au niveau de la migration et de la citoyenneté. Une attention particulière devrait être accordée au recrutement d'enseignant·e·s, de formateur·trice·s, d'universitaires et d'autres personnels de l'éducation issu·e·s de l'immigration et de langues maternelles différentes. Il est important de prévenir et de combattre la discrimination et de créer dans les établissements d'enseignement un climat qui reconnaisse les avantages de la diversité et favorise la tolérance.
Nous exigeons également qu'une attention soit portée aux stratégies de recrutement qui visent à atteindre une représentation égale des hommes et des femmes dans la profession. Il existe un important déséquilibre entre les sexes au sein du secteur de l'éducation en fonction de la matière et du niveau d'enseignement. L'éducation de la petite enfance, l'enseignement primaire et secondaire sont dominés par un important déséquilibre entre les sexes avec une main-d'oeuvre féminine prédominante, tandis que l'enseignement et la formation professionnels et l'enseignement supérieur et la recherche sont majoritairement masculins. Pour remédier à ce déséquilibre, il faut développer des stratégies de recrutement qui encouragent davantage d'hommes et de femmes à entrer également dans les domaines et les niveaux les moins évidents de la profession.
6. MAINTENIR DES CONDITIONS DE TRAVAIL SÛRES ET SÉCURISÉES !
Les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation jouent un rôle crucial dans le façonnement de l'avenir de notre société, mais leur bien-être est souvent négligé. Les recherches montrent qu'il existe un lien étroit entre leurs conditions de travail et leur niveau de stress élevé, ce qui, à son tour, affecte leur satisfaction au travail et leur taux de rétention. La pandémie de Covid-19 a aggravé les choses, avec des changements constants en ce qui concerne la fermeture et l’ouverture des établissements d’enseignement, provoquant des perturbations dans le processus d'enseignement et d'apprentissage. L'enseignement hybride et en ligne a également entraîné un stress lié au travail important pour les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation, ce qui a eu un impact négatif sur leur bien-être.
Cela concerne à la fois le bien-être mental et physique. Les gouvernements et les décideur·euse·s politiques doivent prendre des mesures efficaces pour améliorer la sécurité et le bien-être des enseignant·e·s, des formateur·trice·s, des universitaires et des autres personnels de l'éducation en garantissant des conditions de travail durables, en promouvant des environnements de travail positifs et en fournissant le soutien des pairs, des chef·fe·s d'établissement et la communauté au sens plus large. Des lieux de travail inclusifs et durables qui améliorent la santé et la sécurité au travail et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée devraient être proposés à tout le personnel de l'éducation. L'amélioration des connaissances en matière de santé du personnel éducatif est également essentielle pour sensibiliser à l'importance des mesures de santé et de sécurité, ainsi qu'à l'évaluation des risques dans l'éducation.
Pour accroître l'attractivité de l'enseignement, les contrats à durée indéterminée doivent remplacer les contrats à durée déterminée afin de répondre à la problématique des horaires de travail imprévisibles et souvent non réglementés.
7. ASSURER LE CONTRÔLE DE LA CHARGE DE TRAVAIL ET UN ÉQUILIBRE TRAVAIL-VIE PERSONNELLE !
La charge de travail excessive est un défi universel pour les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation qui doit être relevé immédiatement. Au lieu de se référer uniquement aux « heures d'enseignement », le terme « heures de travail » devrait être utilisé pour réduire le nombre d'heures supplémentaires non rémunérées, en particulier pour celles et ceux qui occupent un emploi précaire.
Nous exigeons de reconnaître le rôle vital que jouent les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation dans la société et de mettre en place un soutien tangible et de meilleures conditions de travail. Les gouvernements et les employeur·euse·s du secteur de l'éducation doivent lever la pression des professionnel·le·s de l'éducation qui est causée par le manque de soutien et de temps de préparation adéquats, couplé à la nécessité d'effectuer des tâches non pédagogiques en dehors des heures de travail normales. Le passage soudain à l'enseignement à distance d'urgence durant la pandémie de Covid-19 a entraîné des changements importants dans les conditions de travail des professionnel·le·s de l'éducation, entraînant une augmentation de la charge de travail et du stress lié au travail. Les recherches indiquent que de nombreux·euses enseignant·e·s n'étaient pas préparé·e·s à l'enseignement numérique et que la formation aux compétences numériques n'a été dispensée qu'une fois la pandémie installée.
Malgré l'augmentation de la charge de travail, de nombreux pays n'ont pas augmenté les salaires dans le secteur de l'éducation et peu ont recruté de nouveaux personnels éducatifs pour réduire la charge de travail des enseignant·e·s. Néanmoins, la pandémie a fourni une occasion unique de réformer et d'améliorer les conditions de travail des enseignant·e·s, des formateur·trice·s, des universitaires et des autres personnels de l'éducation, ce qui garantira une éducation de haute qualité aux étudiant·e·s. Un soutien concret et des conditions de travail améliorées sont nécessaires pour reconnaître la précieuse contribution des professionnel·le·s de l'éducation, qui sont des travailleur·euse·s de première ligne au quotidien.
8. CRÉER DES CULTURES SCOLAIRES DÉMOCRATIQUES !
Pour créer une culture scolaire positive et démocratique, il est essentiel d'adopter un leadership collaboratif et collégial dans les établissements et les systèmes d'éducation. Cela signifie impliquer les enseignant·e·s et l'ensemble de la communauté pédagogique dans les processus de prise de décision, fixer des objectifs communs et travailler à leur réalisation. Les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation doivent être considéré·e·s comme des leaders dans leur profession, et leur contribution et leur expertise doivent être valorisées dans l'élaboration et la réforme des politiques et des programmes éducatifs. Les professionnel·le·s de l'éducation et les représentant·e·s syndicaux·ales doivent être activement impliqué·e·s dans un leadership démocratique et collaboratif pour établir une culture de paix, de tolérance, d'équité, d'inclusion et de coopération. Un enseignement et un apprentissage efficaces peuvent être obtenus en fournissant les ressources, le soutien et la motivation nécessaires aux chef·fe·s d'établissement, aux enseignant·e·s et aux étudiant·e·s.
Les chef·fe·s d'établissement ont un rôle crucial à jouer dans le développement des valeurs fondamentales dans les écoles, et il est essentiel de reconnaître et de valoriser leur travail. Il·elle·s ne doivent pas seulement être des administrateur·trice·s mais aussi des leaders pédagogiques qui favorisent la collaboration entre enseignant·e·s et entre enseignant·e·s et étudiant·e·s. Le dialogue social et la gouvernance collégiale sont essentiels pour renforcer l'efficacité et l'efficience du leadership. Les chef·fe·s d'établissement ont un rôle essentiel à jouer pour garantir l'égalité, la liberté d'expression et les droits humains dans les écoles, et une culture scolaire démocratique ne peut être atteinte que grâce à un leadership collaboratif et collégial.
9. ASSURER LE DIALOGUE SOCIAL !
Le dialogue social, la négociation collective, les conventions collectives et la gouvernance collégiale sont essentiels pour garantir un emploi de qualité durable, des conditions de travail décentes, des perspectives de carrière prometteuses et des incitations gratifiantes telles qu'une rémunération équitable pour le personnel.
Le dialogue social est au coeur du modèle social européen, accompagné du Socle européen des droits sociaux, et reflète les valeurs fondamentales de l'Union européenne. Il s'agit d'un outil important pour promouvoir la stabilité économique et sociale et contribue à garantir que les travailleur·euse·s ont voix au chapitre sur les questions d'emploi. La négociation tripartite instaurée par décret depuis 2010 en Fédération Wallonie Bruxelles favorise les employeurs au détriment des revendications légitimes des organisations syndicales de l’enseignement.
En tant que salarié·e·s, il est essentiel que les enseignant·e·s soient soutenu·e·s par leur syndicat. Les syndicats de l'enseignement ont un double rôle à jouer en abordant à la fois les conditions de travail et les questions professionnelles dans le cadre du dialogue social.
Le dialogue social, la négociation collective et les conventions collectives sont nécessaires pour garantir un emploi durable de qualité et des conditions de travail décentes au personnel de l'éducation. Les syndicats de l'enseignement ont un rôle crucial à jouer dans l'amélioration du dialogue social et de la négociation collective, le partage d'informations, la communication, la consultation et, surtout, la garantie des droits de leurs membres. En renforçant le dialogue social, nous pouvons améliorer le statut des enseignant·e·s, des formateur·trice·s, des universitaires et des autres personnels de l'éducation et l'image de la profession enseignante dans la société.
Alors que de nombreuses questions d'éducation sont traitées au niveau national, l'Union européenne a également mis en place une variété de programmes et de politiques pour favoriser une éducation de qualité. Au niveau de l'UE, le CSEE, le Comité syndical européen de l'éducation, et la FEEE, la Fédération européenne des employeur·euse·s de l'éducation, sont des partenaires sociaux reconnus et, en tant que tels, des co-législateurs pour l'éducation, qui promeuvent le dialogue social dans le secteur de l'éducation. Un dialogue social fort et significatif à tous les niveaux - européen, national, régional et local - est essentiel.
10. VALORISER, RESPECTER ET RESPONSABILISER LA PROFESSION ENSEIGNANTE !
Autonomiser la profession enseignante signifie fournir les ressources nécessaires en termes de personnel et de budgets pour permettre aux établissements d'enseignement de prospérer, de fournir la meilleure qualité d'éducation et de jouer leur rôle dans des communautés plus larges pour lutter contre les inégalités exposées dans la société. Les gouvernements doivent mettre en place des politiques éducatives qui reconnaissent l'importance de l'enseignement et le rôle que jouent les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation pour façonner l'avenir. Cela implique une augmentation du salaire et des avantages sociaux des enseignant·e·s, ainsi que la reconnaissance de leurs réalisations et de leurs contributions à la société. Les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation devraient se voir confier l'autonomie professionnelle et la liberté académique et être invité·e·s à contribuer aux pratiques démocratiques de leadership collégial.
Les établissements d'enseignement devraient être suffisamment dotés en personnel et suffisamment financés pour attirer les personnes les plus qualifiées vers la profession.
Les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation jouent un rôle essentiel dans le soutien aux étudiant·e·s et aux communautés, et les décideur·euse·s doivent leur faire confiance et leur donner les moyens de fournir une éducation de qualité. Cette confiance devrait être reflétée par les parents, les étudiant·e·s et la société en général. En étant fier·e·s de leur profession, les professionnel·le·s de l'éducation peuvent remplir leur mission et offrir à leurs étudiant·e·s une excellente formation qui les prépare pour l'avenir. En responsabilisant les enseignant·e·s, les formateur·trice·s, les universitaires et les autres personnels de l'éducation et en faisant de l'enseignement une profession valorisée, nous pouvons créer une société où l'éducation et la formation sont prioritaires et où les étudiant·e·s ont la possibilité d'atteindre leur plein potentiel.