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Le SLFP Enseignement réagit vigoureusement au vote précipité, en Commission Enseignement supérieur du Parlement de la Communauté française, dans la nuit du 16 au 17 avril dernier, d’une proposition de décret visant à apporter des modifications conséquentes aux décrets « Paysage » et « Financement » de l’enseignement supérieur ».

Cette proposition de texte visait d’abord un moratoire généralisé, en particulier pour les aspects de finançabilité des étudiants, sur les réformes adoptées en 2021.

Les réformes de 2021 avaient pour objectif louable de permettre à l’enseignement supérieur de jouer son rôle d’ascenseur social, notamment en invitant l’étudiant à s’interroger plus rapidement sur la pertinence de ses choix d’orientation, en l’insérant dans un trajet d’accompagnement pédagogique et en cherchant à réduire le plus possible l’errance académique, qui entraîne in fine l’exclusion du système sans diplôme et, en conséquence, des drames humains et sociaux, et, enfin (last but not least) qu’en responsabilisant tant les enseignants au sein des jurys que les étudiants quant aux décisions pédagogiques à prendre.

Mais malheureusement :

  • encore une fois, cette réforme de 2021 demeure sous-financée : l’enseignement supérieur a connu un définancement de 18,9% en dix ans (Les Indicateurs de l’enseignement 2023, http://www.enseignement.be/index.php?page=28569&navi=4952, p. 21), accentué par la règle de la réussite de 180 crédits (constituant les trois années « normales » de bachelier) en cinq ans (plus un an, en cas de réorientation). Cela correspond en pratique au définancement d’une année complète, avec des conséquences probables pour la charge de travail du personnel. Certes, les 80 millions d’euros de refinancement vantés par le gouvernement sont une avancée notable, mais largement insuffisante, d’autant que l’on ne sait pas précisément quelles mesures sont reprises dans cette enveloppe ;
  • cette réforme oriente l’engagement du personnel vers l’aide à la réussite, plutôt que vers les enseignants de « matières », pourtant premiers acteurs de l’aide à la réussite ;
  • et, enfin, cette réforme engendre une complication administrative telle qu’elle augmente encore plus la charge de travail des membres du personnel, tant de direction qu’enseignant et administratif.

Toutefois, cette réforme de 2021 prévoyait aussi de nouvelles modalités de finançabilité qui n’ont pas encore produit tous leurs effets, et à propos desquelles il est serait imprudent d’extrapoler de quelconques conclusions à ce stade ; les chiffres relatifs à sa mise en œuvre ne pouvant être disponibles au plus tôt qu’au début de l’année académique 2024-2025.

Par ailleurs, une évaluation de cette réforme de 2021 était prévue en 2026. Tout acteur du secteur rigoureux et raisonnable attendait donc ce moment pour prendre position.

La réforme proposée ces dernières semaines, rédigée dans l’urgence voire la précipitation, modifiée à plusieurs reprises, arrivant en cours de route et à l’approche des examens et des élections, visant peut-être à résoudre des situations individuelles (qui auraient pu raisonnablement et décrétalement être gérées par les jurys), sans concertation manifeste des acteurs de terrain du secteur qui pourtant s’étaient mobilisés en nombre et avaient porté leur voix dans les médias (la commission du Parlement, via une majorité alternative, a refusé d’organiser des auditions, alors que les organisations syndicales étaient bien évidemment disponibles pour relayer les idées, préoccupations et inquiétudes du personnel du secteur).

La réforme proposée n’aura donc pour conséquence que :

  • d’alourdir encore la charge des membres du personnel, déjà sous tension importante en période de sessions et de fin d’année académique ;
  • de détourner les enseignants de leurs tâches d’enseignement et de recherche vers toujours plus de fardeau administratif ;
  • de contraindre inutilement le fonctionnement des opérations de fin d’année académique en raison de situations périphériques, et parfois même individuelles, qui auraient pu être gérées par les jurys et les établissements dans le cadre décrétal existant ;
  • de compliquer à l’extrême les règles de réussite et de finançabilité ;
  • de créer des situations d’échec qui n’auraient pas existé précédemment :
    • un étudiant ayant entamé son bachelier en 2020-2021, ayant acquis 65 crédits, dont 45 en première, sur trois ans au bout de l’année académique 2022-2023, mais ne pouvant s’inscrire car malade en 2023-2024, ne serait plus finançable en 2024-2025 car il n’a pas réussi 60 crédits de première  ;
    • alors que l’étudiant dans la même situation mais s’étant inscrit en 2023-2024 sans réussir le moindre crédit serait finançable en 2024-2025 ;
    • un étudiant en milieu de cycle ne prend que 40 crédits à son programme car estime les autres cours trop difficile. Sur les conseils de son jury, connaissant les règles en vigueur aujourd’hui, il prend 45 crédits pour être finançable en cas de réussite, mais n’en réussit que 40. Il serait donc désormais non finançable en 2024-2025 ;
    • une étudiant inscrite en 2022-2023 a acquis 45 crédits en deux ans (2022-2023 et 2023-2024), mais ne réussit que 10 crédits en 2024-2025 (donc, total de 55 crédits). Elle ne sera désormais plus finançable (dans aucun cursus) en 2025-2026 car elle a déjà été inscrite à trois années dans le cycle sans réussir 60 crédits. Sa réorientation ayant été retardée (elle auarit dû avoir lieu à la fin de l’année 2023-2024), elle sera désormais impossible.
  • de, partant, augmenter déraisonnablement l’instabilité juridique et les possibilités de recours ;
  • de diminuer l’implication des étudiants les plus en difficulté à l’approche des sessions de fin de deuxième et troisième quadrimestres, leur faisant miroiter le mirage d’une année « gratuite » ;
  • de retarder les éventuelles réorientations et, en conséquence, d’aggraver la situation d’étudiants déjà en situation difficile ;
  • d’amplifier le définancement du secteur (les 5 millions d’euros promis afin d’accompagner la mise en œuvre de cette proposition étant largement insuffisants tant pour couvrir les frais engendrés par l’allongement des parcours induits par celle-ci que pour engager le personnel supplémentaire nécessaire).

Une réforme en profondeur du régime « Paysage » et du régime de finançabilité des étudiants est nécessaire, mais ne peut se faire dans l’urgence, sans un refinancement adéquat (d’autant que le pic démographique du début des années 2000 – les « millenials » – arrive aujourd’hui dans les auditoires) et au mépris des acteurs de terrain, professionnels investis et soucieux de la qualité de l’enseignement et de la recherche, ainsi que des intérêts académiques et pédagogiques des étudiants.

 

 

Le SLFP-Enseignement appelle au sursaut des parlementaires des partis démocratiques à entendre les professionnels du secteur, à organiser la concertation avec eux (comme elle aurait eu lieu pour un (avant-)projet de décret) et à ne pas adopter en séance plénière le texte voté en Commission, afin de permettre aux enseignants et aux étudiants de passer les deux sessions d’examens à venir dans les meilleures conditions possibles.

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